mardi 26 janvier 2010

Godobés

L'Afrique rend cynique parait il.
Leslie me l'avait fait remarquer à sa venue, et nous même de temps en temps nous faisons cette remarque.
Oui, c'est vrai, peut être est-ce un moyen de relativiser quelque peu les aventures que nous vivons ici. Il est effectivement parfois difficile de vivre dans ce
pays ou si peu de choses marchent bien (les gens marchent beaucoup par contre... OK c'était pas drôle) c'est peut être une manière de ne pas
prendre sur soi chaque mésaventure. Le contraire nous mènerait je pense assez vite à la cure d'anti-dépresseurs, voire à l'HP. Bref, nous avons parfois tendance à oublier le pays dans lequel nous sommes actuellement, et même si la vie y est généralement sans encombre, certaines choses que nous voyons et vivons ici ne sont parfois pas si facile à digérer (héhé, même ce qu'on mange est parfois pas si facile à digérer!) et en rire est finalement un moyen pour nous de relativiser. Mieux vaut en rire qu'en pleurer dirons certains. Oui, mais peut on rire de tout? demanderont d'autres. Didier Super mettra toutle monde d'accord en disant que mieux vaut en rire que de s'en foutre, et il a je pense bien raison sur ce point là!
Alors cet article, préparez vous bien, sera cynique, et sachez que je l'assume. je vous avais promis de tout vous dire, vous voilà servis.
j'ai appelé cet articles "Godobés" car bien évidemment, c'est ce dont je voulais vous parler. Les godobés sont la signification en sängö de l'expression "enfants de la rue". Parfois orphelins, ou de familles sans revenus, ils vivent de toute manière toujours dans une pauvreté extrême, et par conséquent dans la rue Il est difficile de leur donner un âge, disons qu'ils ont en général entre 7 et 13 ans. Ces enfants, qui trainent sur les avenues principales de Bangui (en particulier l'avenue Boganda) font bien entendu la manche. Mais faire la manche en France n'a pas la même signification que faire la manche ici. je m'explique. Alors qu'un SDF passera sa journée assis à attendre que quelqu'un veuille bien lui donner une petite pièce, un godobé ira chercher sa petite pièce, quoiqu'il arrive. Il arrive donc souvent qu'un (2 ou 3 voire plus si affinité) d'entre eux qui a repéré ta petite tête de blanc à 50m de là se dirige vers toi, et commence à te demander de l'argent, la plupart du temps ainsi:
"papa, ça ne va pas, j'ai faim, papa, j'ai faim, ça ne va pas, papa, ça va pas, j'ai faim".
Vous pensez certainement que j'en fais trop, pour résumer une conversation avec un godobé... il me faudrait environ une page de "papa j'ai faim!". Oui, car la
grande différence réside dans le fait que le bout de chou qui te demande de l'argent (avec douceur en général) te suit... et la longueur du trajet qu'il fera avec
toi dépendra de plusieurs critères:
- Le temps que tu mets à sortir ton porte monnaie
- le temps que tu mets à le virer
- La quantité de fatigue qu'il a accumulé au cours de sa journée.
Voilà, ça peut parfois durer 200/300/400 mètres selon notre dose de patience et sa dose d'énergie. Pas facile dans ce cas de marcher la tête dans ses pensées.
Evidemment que faire dans cette situation? leur donner à chaque fois de l'argent? (sachant qu'en général, quand tu donnes une pièce à l'un d'entre eux, le suivant ne
se fait pas prier pour réclamer son dû). les laisser nous suivre et les ignorer? Les envoyer bouler? Je pense personnellement que la meilleure des solutions et justement dans les 3 que je viens de citer, alors tout dépend bien sûr de notre humeur de la journée et du nombre de petite pièces que nous avons dans notre portefeuille (il y a de gros problèmes de petite monnaie ici).
j'ai décidé, après cette petite explication de ce qu'est réellement un godobé, de vous donner (ça pourrait servir à ceux qui viennent me voir, ainsi que si certains d'entre vous sont amenés également à venir ici, ou dans un pays semblable à celui ci) quelques techniques, subterfuges et autres méthodes pour se débarasser à peu
près rapidement d'un godobé, et à partir de maintenant, je serai cynique.
- leur donner une petite pièce (dans ce cas, essayer de les prévenir avant: "c'est pour acheter à manger, pas pour t'acheter de la colle et te défoncer petit!")
- Leur donner une petite pièce sans les prévenir (dans ce cas, vous imaginez où risque d'aller la petite pièce)
- Leur donner un morceau du pain ou autre que l'on vient de s'acheter (dans ce cas là, peu de risques qu'ils le transforment en colle)
- les ignorer, et continuer la conversation animée que Gus, Sam et moi étions en train de vivre
- les envoyer bouler. mais de plusieurs manières possibles:
Tout d'abord en lui faisant comprendre avec une voix douce et en posant sa main sur sa tête en signe d'affection qu'on ne va rien lui donner, que ça ne sert à rien de te suivre (dans ce cas là, il est toujours possible de leur donner rendez vous le lendemain en promettant une petite pièce)
en accélérant le pas (attention, ça finit parfois par du sprint)
En lui disant le mot qu'il entend le plus dans la journée: yakapé qui veut dire, "j'ai rien" (parfois, c'est même vrai, on a rien)
Il est également possible de les dégager plus méchamment comme par exemple: "papa, j'ai faim"...."moi aussi" ou encore ne jamais arrêter de dire "yakapé" jusqu'à ce que
ça le fatigue (celui là, c'est ma spécialité). Il est également possible de lui dire: "oh, mon petit, faut faire aller", ou lui montrer un arbre en lui disant "y a des mangues ici!"
Il est également possible de leur parler en langue étrangère, ça peut parfois servir.
une des meilleures solutions (même si je l'avoue, ça fait parfois passer pour un énergumène) est finalement de les faire rire, ou de les surprendre.
J'ai hier (ça va vite devenir ma spécialité d'ailleurs) en marchant avec Gus réussi à esquiver 4 godobés (qui arrivaient tous en même temps face à nous) en mimant un match de basket. Hop, accélération suivie d'une petite feinte de corps. dans ce cas là souvent, ils s'arrêtent, te regardent, éclatent de rire (pour résumer ils se foutent bien de ta gueule) et continuent leur chemin, comme si t'étais devenu leur pote.


Voilà pour ce résumé, je n'en suis pas fier, et je n'attends aucune félicitation de votre part sur notre imagination débordante, mais mettez vous à notre
place. leur donner de temps en temps reste mon objectif, mais nous nous disons, et c'est vrai, que nous ne sommes en rien responsables de ce qui leur arrive
Il n'en reste pas moins choquant (même après 4 mois passés ici) de voir des petits de parfois 5 ou 6 ans se ruer sur nous pour nous demander de l'argent.
Mais que faire?
A méditer

j'espère ne pas vous avoir trop choquer, parler aussi franchement de ça pourrait faire mauvais effet, je m'en excuse en tout cas

Je vous embrasse et pense bien à vous, aujourd'hui il a fait très chaud =)

Sylv

3 commentaires:

  1. Je trouve que c'est un bon résumé...
    Ta spécialité étant bien souvent de les faire rire, c'est la meilleure solution à mon sens, mais celle qui demande le plus d'imagination.
    On peut aussi préciser que bien souvent, la pièce que tu donnes à un petit ne sera pas pour lui, mais pour le godobé plus âgé, le "chef" du groupe. Une bonne solution est donc de leur donner à manger directement, au moins on est sûr que ce sera pour lui.
    Bisous

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  2. Salut fiston,

    Je pense qu'une fois de plus cette description de ce que tu vis "là bas" nous laisse apprécier ce que nous vivons ici.

    Finalement, tu as bien fait de pratiquer le basket pendant de nombreuses années... apparemment, ça peut servir.

    Biz

    Mum

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  3. Salut,

    trés bon article qui résume bien la situation, pas mal aussi tes portes de sorties (j'avoue n'avoir jamais essayé le match de basket :-) )

    je suis d'accord avec Leslie, l'une des bonne idée et de leur offrir un morceau de pain ou autre ça évite d'engraisser l'industrie chimique et le "chef de bande"

    by the way, petit quart d'heure linguistique, a la base "godobé" veut dire "voyou", il se trouve que les enfants de la rue devienne quasi tous des "voyous" (en même temps que peuvent devenir des enfants qui vivent seuls et dehors?

    encore merci pour cet article

    Bien à toi,

    G

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